Le privé prend le contrôle au transport

Au cours des dernières années, le secteur privé a, petit à petit, pris le contrôle de la planification du transport au Québec.

Le plan pour l’échangeur Turcot se veut le plus récent et le plus grand pas dans cette direction. Des entreprises d’ingénierie géantes comme SNC-Lavalin ont accumulé des millions à partir d’études sur la circulation, de la surveillance de contrats, et du design lui-même. Actuellement, ces compagnies et leurs entreprises de constructions favorites désirent vivement mettre la main sur une belle grosse part de ce gâteau de 3 milliards de dollars. Compte tenu de leur participation massive jusqu’à présent dans ce processus, elles sont fortement intéressées par l’actuel projet Turcot. En reconstruisant cet échangeur plus grand qu’auparavant, ces entreprises s’assurent que ce projet arborera une étiquette dont le prix sera le plus élevé possible.

Dépenses exponentielles pour un projet d’infrastructure
La construction est l’activité industrielle la plus forte au Québec et le ministère des Transports est le client le plus important dans ce secteur. En 2007, on a dépensé 1,7 milliard de dollars pour les routes et en 2011, 4,2 milliards. Malgré cette explosion des coûts, il y a peu de compétition dans ce secteur; 10 entreprises de construction sont responsables de 39 % de tous les travaux routiers, et 10 firmes d’ingénierie se partagent 68 % de tous les services d’ingénierie.

Certains de ces services professionnels concernent une demande d’estimation du trafic futur. Les résultats de ces projections influencent le type de projets qui sont approuvés et la façon dont ils sont conçus. Pour le projet Turcot, SNC-Lavalin évalue à 10 % le surplus de véhicules d’ici 2016, ce qui représente une bonne affaire : si plus de véhicules emprunteront l’échangeur, il faudra alors (argueront-ils) une plus grande autoroute.

Dans ce cas, il n’est pas surprenant que le plan pour l’échangeur Turcot contredise les politiques officielles du gouvernement du Québec et de l’administration de Montréal. Ces politiques visent à promouvoir moins de dépendance envers le transport en voiture automobile privée, et des pratiques de développement durable.

Perte du MTQ de son expertise
En raison d’une meilleure rémunération dans le secteur privé, le ministère des Transports a de plus en plus de difficultés à retenir ses experts pour gérer et superviser ses projets d’infrastructure. Comme l’a révélé le rapport Duchesneau, ce sont des firmes privées qui préparent 100 % des estimations de coûts dans la région de Montréal et 95 % dans les régions. Cette privatisation a provoqué une importante inflation des coûts.
La perte d’expertise signifie que le Ministère n’est pas en mesure de vérifier adéquatement la qualité de la construction ou les estimations de la circulation à faire.

Normes d’éthique moins élevées pour le projet de l’échangeur Turcot que pour d’autres projets d’infrastructure
Contrairement à d’autres grands projets de construction publique au Québec, on a exclu des normes d’éthique visant à éviter des conflits d’intérêt. Par exemple, les firmes d’ingénierie qui dressent les plans préparatoires d’un complexe autoroutier pourront également soumissionner la gestion du projet durant la construction. Dans les cas de la construction des mégahôpitaux du CUSM (MUHC) et du CHUM, les firmes qui participent aux plans n’ont pas le droit de soumissionner la phase de construction.

Pourquoi avoir exclus ces normes pour le projet Turcot, le plus grand projet d’infrastructure au Québec? Voici la réponse que suggère Jacques Duchesneau dans son rapport : le ministère des Transports dépend désormais presque entièrement des entrepreneurs privés pour planifier, entretenir et bâtir ses routes. C’est pourquoi les décisions prises sur les investissements dans les infrastructures reflètent les intérêts des actionnaires de ces entreprises et non pas des communautés ou des futures générations qui paieront la facture.

Consultez ici le texte intégral de l’article paru dans Le Devoir qui révèle cette information

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